Jean BIETTE
(1876–1935)
Jean François BIETTE est né le 6 janvier 1876 dans une famille havraise nombreuse et prospère. Il fit de superbes études secondaires classiques jusqu’au baccalauréat en 1893, mais rien ne permet, en l’état, de dire qu’il fut élève de l’école des Beaux-Arts du Havre. En 1900, en tout cas, il est inscrit à Paris aux cours de l’académie Camillo où professe Eugène Carrière. Il habite alors rue de Sèvres, et son assiduité à l’académie est inlassable. C’est d’ailleurs là qu’il se lie d’une pérenne amitié avec Laprade et Matisse.
Jean Biette, dispensé du service militaire pour une santé fragile, peut se consacrer densément à son art. Il s’installe en 1903 à Saint-Michel-sur-Orge, puis un peu plus tard à Boulogne-sur-Seine. Et le cercle de ses amitiés s’élargit avec Derain et Puy.
Nature morte au plâtre.
Dès 1898, il expose aux Salon des Indépendants, et lui restera fidèle jusqu’en 1913 présentant au moins six œuvres chaque année. Il donne des aquarelles et des huiles dans tous les registres (sauf le portrait), avec une préférence marquée pour les natures mortes. Ses œuvres ont souvent des titres tout simples, modestes (Études, notes, croquis, impressions, pochade …) comme si, persuadé que sa parole n’avait pas encore la force qu’il voulait lui donner, il avait à peine réfléchi la question.
L’année 1904 le voit dans une belle vitalité créatrice. Pour la première fois, il expose au Salon d’Automne où il figurera jusqu’en 1909. Et puis, une de ses toiles est intégrée à la mythique collection de la Peau de l’Ours (un ensemble – un peu spéculatif – destiné à être revendu dix ans plus tard). Il est là en compagnie de Bonnard, Cross, Derain, Van Dongen, Friesz, Gauguin, Girieud, Van Gogh, Matisse, Laprade, Marquet, Picasso, Puy, Rouault, Roussel, Signac, Utrillo, Vallotton, Vlaminck, Vuillard, etc.
La complicité avec Matisse demeure indéfectible. C’est celui-ci qui demande à Berthe Weill d’offrir une exposition personnelle à Jean Biette en 1906 dans sa fameuse galerie du bas-Montmartre, et c’est lui qui l’organise. Et puis Jean se marie en 1907, devient père en 1908, mais sa santé se faisant tracassante, il choisit de revenir au Havre, dans la maison familiale de la rue Racine. Dès lors, il aura un emploi dans les bureaux d’une entreprise de construction.
Au Havre, il sera un des membres actifs du Cercle de l’Art Moderne, et il y exposera en 1906, 1908 et 1909. Son métier fait que son activité de peintre est décroissante. Il donne surtout des natures mortes qu’il accepte de montrer lors des expositions havraises de la Société des Amis des Arts. La Grande Guerre sera une césure, comme pour tant d’autres. Il en témoignera à sa manière, par des aquarelles denses, colorées, et d’une fine observation. Une partie de celles-ci seront d’ailleurs présentées à la galerie Maury du Havre.
Coin de salon fleuri.
La famille de Jean Biette étant très catholique, il se peut qu’il ait fait siens les mots de Saint-Paul : Non plus quam oporlet sapere, sed sapere ad sobrietatem. Car ce peintre est un sage, jamais paroxyste, son talent étant fait de réel et de songe. Il n’a jamais voulu faire des homélies sur l’invisible ; il a voulu vivre l’acte de peindre et donner à son art une puissance évocatrice. Il savait que les contours d’une fleur nous révèlent à nous-mêmes autant que le visage d’un être. Pour tout cela, pour sa démarche et pour son œuvre, il mérite d’être mieux connu.